Trois écrivains, trois pays et deux fourmis

Plus de 100 pays participent chaque année à la Journée mondiale du livre, le 23 avril, une célébration annuelle placée sous l’égide de l’UNESCO, de la lecture et de l’écriture.

Cette année, L’Arche met en lumière trois de ses membres, chacun avec un flair littéraire passionnant qui lui est propre : Felix Scholz, de la communauté de Landsberg (Allemagne), Gemma Dachs de Els Avets (Espagne) et Martynas Šimkus, de Vilnius (Lituanie).

Ce ne sont que trois exemples parmi tant d’autres, dont les divers talents créatifs sont de plus en plus reconnus dans leur propre pays et au-delà. Chacun à sa manière, ces auteurs prouvent que, loin de limiter l’imagination, un handicap intellectuel peut en réalité être un tremplin pour une expérience de vie exceptionnellement directe et vibrante, ce qu’ils transmettent très bien avec des mots – et parfois aussi avec des illustrations.

La part de l’orphelin par Martynas Šimkus
(Traduction française)

Oh, la part de l’orphelin,
Maman ne reviendra pas,
Pardon, oh, mille fois pardon,
Elle est déjà protégée par la terre.

J’aimerais, oh j’aimerais pouvoir,
Vivre dans le vrai bonheur,
Il n’y a plus de maisons
Je sens le malheur dans mon cœur.

Tout semble déjà avoir échoué,
J’aimerais pouvoir te rencontrer,
Je peux entendre sa voix,
Sentir sa chaleur,
Tenir sa tête.

Comme une feuille d‘automne,
Tombée sans joie,
Elle n‘a pas survécu.
Et tu es cruel,
Mon vrai destin,
Il n’y a pas de salut.

Comme celle de Martynas Šimkus, la voix poétique de Felix Scholz résonne clairement, même dans une traduction. Il a hâte de ‘réussir’ et s’est réjoui que son poème « Réveil » soit sélectionné pour figurer dans une anthologie après qu’il ait remporté un prix littéraire national en Allemagne.

Réveil, par Felix Scholz
(Traduction française)

Des oiseaux.
Beaucoup d’espèces.
J’aime particulièrement les mésanges.
Rares.
Le matin, j’entends les oiseaux chanter.
Ma fenêtre est entrouverte.
Alors, me voici réveillé aussi.

D’une certaine manière, c’est un temps de réveil qui a poussé Gemma Dachs à l’écriture dès son plus jeune âge. Un grave accident de voiture l’avait plongée dans un coma profond. Même après avoir finalement repris conscience au bout de 64 jours, elle a eu un long chemin de guérison à parcourir. N’étant pas du genre à rater une opportunité, Gemma a appris à utiliser ce temps pour développer son sens de l’observation. Un jour, elle a vu deux fourmis qui semblaient s’entraider. Elle a trouvé cela tellement mignon qu’elle a décidé de le noter. Lorsqu’elle l’a montré à sa mère, celle-ci lui a immédiatement répondu : « Continue d’écrire, Gemma!

Cette simple parole d’encouragement il y a plusieurs dizaines d’années, a mis Gemma sur la voie qui est encore la sienne aujourd’hui. Depuis, elle a investi beaucoup plus de temps dans le développement de son talent. Le stylo et l’encre remplacés depuis longtemps par son ordinateur, Gemma publie ses pensées, ses histoires et ses poèmes sur son propre blog: https://contesdelagemma.blogspot.com/

Découvrez, par exemple, son regard aiguisé sur les contrastes de Noël (traduit du Catalan, sa langue maternelle):

Noël. Quel mot festif pour certains qui
pensent seulement ski, cadeaux,
manger du poisson ou des fruits de mer, du nougat, des gaufrettes et de la pâte d’amandes… Et le soir du Nouvel An, mangent du raisin quand ils font sonner les douze coups de cloches au milieu de la nuit en criant « Bonne Année ! » Et puis ils attendent pour voir s’ils gagnent à la loterie et s’ils ne gagnent pas… une autre fois.
Puis ils retournent au travail et continuent leur petite routine.

Pour moi, Noël n’est pas et ne devrait pas être comme ça.
Je pense que Noël c’est le jour où un enfant est né, appelé Jésus, fils de la Vierge Marie et d’un charpentier, appelé Joseph. Et tout le monde se déplaçait pour aller le voir à Bethléhem, en lui apportant des cadeaux.
Et il va mourir à l’âge de trente-trois ans, crucifié pour sauver le monde, et
beaucoup de gens le pensaient fou.
C’est pourquoi je crois qu’au lieu de penser seulement à dépenser de l’argent, nous devrions penser aux choses qui n’ont rien à voir avec les vêtements, la nourriture, ou les lieux où dormir.
Soyons plus humains. Et faisons ce qu’on aimerait que d’autres fassent pour nous.
Ah ! et cette volonté d’aider les autres, ça ne dure pas qu’une journée, mais toute une vie.

 

Et Gemma a un conseil pour tous les autres écrivains potentiels :
«Dis-leur de ne pas avoir peur : d’aller de l’avant ; je n’avais jamais imaginé qu’un jour j’écrirais mes sentiments et mes pensées ; mais ça m’aide beaucoup d’écrire – notamment comme un bon moyen de gérer le stress ; quand je suis stressée, je me mets à écrire – et avant même de m’en rendre compte, je suis de nouveau détendue!»

Si aujourd’hui nous avons le bonheur de pouvoir apprécier les écrits de Gemma, Felix et Martynas, c’est avant tout pour deux raisons : la première, et la plus évidente, c’est leur talent naturel. Mais aussi – c’est vital – les encouragements des personnes qui les entourent. De tels encouragements – dans nos vies à tous – visent à renforcer la confiance en soi dont nous avons besoin pour risquer quelque chose de nouveau, pour tenter une nouvelle compétence. Mais on peut aussi se demander: sans ces encouragements, combien de talents restent malheureusement en sommeil ?

Alors, cette année, profitons de la Journée mondiale du livre pour plonger dans le vivier de talents fantastiques qui ne demandent qu’à être découverts, ramenés à la surface et mis en valeur. Et puis, qui sait quelles surprises nous attendent pour la Journée Mondiale du livre de l’année prochaine ?

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