Il n’y a pas une seule ‘bonne’ manière de vivre L’Arche

Témoignage de Kate Schulte, assistante

«J’ai dû accepter qu’il n’y a pas une seule bonne manière de vivre L’Arche – si la communauté aime les personnes accueillies et les aide à reconnaitre leurs dons, alors elle vit L’Arche.» C’est Kate Schulte, de L’Arche USA, qui parle; elle a pris une année sabbatique pour être assistante solidarité à L’Arche Mymensingh, au Bangladesh.

Pour Kate, vivre à L’Arche loin de son pays a été le catalyseur d’une foule de réflexions nouvelles et créatrices sur la vie: «J’ai dû aussi accepter que je ne sais pas grand-chose sur quoi que se soit. Mon sens des valeurs et de l’éthique vient principalement de l’Occident. Quand je me suis retrouvée dans un endroit où les gens pensent très différemment, j’ai été perturbée. Il ne suffisait pas de m’immerger dans la vie communautaire – je devais/je dois m’immerger dans la culture du pays. Je devais «chercher à comprendre» – j’ai commencé à lire des livres de philosophes indiens, j’ai écouté de la musique Hindi, et surtout j’ai écouté les récits et les points de vue des personnes qui m’entouraient. J’avais tant à apprendre et j’ai encore tant à apprendre!»

S’habituer à une nouvelle culture : surprises et chocs…

Inde: En arrivant à Asha Niketan, j’ai été complètement transportée dans la magie de l’Inde: les odeurs étranges, les lumières… et tant de monde partout! J’étais dépassée; tout était si différent et je ne me sentais pas à ma place. Il y a eu bien des moments au cours de ma vie à L’Arche où je ne me suis pas sentie à la hauteur, mais jamais je ne l’ai autant ressenti que pendant mes deux premiers mois en Inde. Je ne savais rien faire: la toilette, le nettoyage, la prière, la vaisselle, et communiquer – tout était différent. J’étais différente. Au début, je me suis sentie inutile. Je me retrouvais comme un bébé. J’avais tout à réapprendre. Mais pour moi, ce qui était difficile, ce n’était pas de m’adapter à la nourriture, aux différences dans la façon de faire sa toilette ou prendre son bain – c’était de m’adapter à la façon différente dont la communauté vivait L’Arche et au fait que j’avais si peu de contrôle sur quoi que ce soit. Si Frère Roger (de Taizé) était venu dans la communauté, je lui aurais crié: «J’ai osé donner ma vie aux autres (c’est ce que je pensais), mais non seulement je ne trouve aucun sens à ma vie, mais en plus je suis malheureuse!» Mais, ensuite, la joie a commencé à se frayer un chemin dans ma solitude.

Je me suis rendue compte que le fait de ne pas pouvoir être utile ou tout contrôler me permettait de comprendre ce que voulait dire «donner ma vie aux autres».  Cela voulait dire être reconnaissant pour le moment présent. Cela voulait dire pardonner mon incompétence et ne pas m’y attarder. Cela voulait dire aimer les personnes qui m’entouraient, même si je ne pouvais montrer mon amour qu’avec un sourire. Mais surtout, cela voulait dire «chercher d’abord à comprendre et ensuite à être comprise». Mes idées préconçues sur L’Arche, le handicap et notre humanité ne comptaient pas. Au lieu de les laisser contrôler mon expérience, il fallait que je les abandonne et que j’accepte qui j’étais et ce que la communauté était dans ce moment précis.

Bangladesh: Quand je suis enfin arrivée à la communauté de L’Arche Bangladesh, j’ai été accueillie d’une façon tellement belle par tous les membres de la communauté! Je me suis sentie tout de suite aimée et j’ai commencé mon engagement bien déterminée à garder au cœur ces changements qui avaient commencé à s’opérer en moi à Asansol. Mais c’est fou comme j’oublie vite! J’ai l’impression de devoir toujours réapprendre ces leçons à l’infini… Il n’a pas fallu longtemps pour que je commence à m’inquiéter pour mon rôle et le but de ma présence, me décourageant parce que je n’avais pas encore appris le Bangla et j’ai commencé à me renfermer sur moi-même. Mais les membres de la communauté m’appellent sans cesse à revenir dans le moment présent.

 

Bappi refuse de me laisser me replier sur moi en me posant mille fois la même question ‘«Mamma, Eta ki» (qu’est-ce que c’est?) puis en inclinant la tête sur le côté et en souriant d’une façon tellement irrésistible que je ne peux plus me sentir abattue. Rohim accourt pour m’accueillir, me prend la main et la secoue comme s’il m’avait connue toute sa vie. Shopno Nir («La maison du rêve») me fait oublier mes incompétences dans l’apprentissage du langage en instituant un «souper anglais» en mon honneur. Asha Nir («La maison de l’espoir») me dit de venir chez eux «tout de suite», dès que je sens que ma famille me manque. Les membres de Pushpo Nir («La maison fleurie») me permettent de vivre avec eux au lieu d’être simplement «en visite».

Je suis tellement reconnaissante pour ce chemin parcouru. Il a pris bien des voies inattendues mais j’apprends comment «donner ma vie» et, surtout, comment «être» tout simplement.

Des leçons pour la vie

  • Tous les membres d’Asansol et de Mymensingh m’ont appris comment mieux aimer. Ils m’ont fait questionner mes vues sur la culture, L’Arche et la religion et m’ont aidée à apprendre comment vivre dans une communauté interreligieuse.
  • Les personnes accueillies m’ont laissée entrer chez elles, m’ont acceptée comme leur égale, même si je suis différente. Toutes ont vécu des choses vraiment difficiles dans leur vie, et pour beaucoup, L’Arche est le premier «foyer» qu’elles aient jamais eu. Ainsi, nombre d’entre elles portent des blessures profondes, mais elles sont quand même aimantes.
  • Les assistants m’ont appris comment être ouverte, vivre dans le moment présent et pardonner. Ils/elles m’ont aussi ouvert leur cœur et sont devenus de vrais ami(s).

Comment ta présence a-t-elle aidé la communauté ?

De la même façon, je crois, que j’ai aidé les communautés de Chicago et Jacksonville. J’ai des dons et des faiblesses et j’apporte cela à la communauté où je vis. Mais je suis «extra» unique, parce que je viens d’une culture différente, cet échange interculturel d’idées peut être vraiment sympa et je «crois» que j’ai aidé en amenant de bonnes choses de ma culture et j’ai pu prendre de bonnes choses de la culture du Bangladesh/de l’Inde que je ramènerai chez moi un jour.

Conseils pour ceux qui souhaitent devenir «assistant solidarité»

  • Commencez à apprendre la langue avant de partir. De nombreuses personnes, surtout en Inde, parlent anglais, mais personne ne pouvait me comprendre !! Je parle très vite (j’apprends à ralentir), mais j’avais oublié comment parler simplement. Je ne me rendais pas compte à quel point j’utilisais souvent des formulations et des mots inutiles. J’ai dû ‘nettoyer’ mon anglais et apprendre à parler un «anglais international».
  • Je pense qu’il y a un langage non-verbal à L’Arche et j’ai pu certainement entrer en relation avec de nombreuses personnes sans qu’on puisse vraiment communiquer verbalement. MAIS la communication est importante! Oh! Comme j’ai hâte de parler le Bengali!
  • Trouvez des personnes qui vous accompagnent. Cela peut être un autre volontaire à l’étranger. Ou le responsable de votre communauté d’origine.
  • Ne vous inquiétez pas si votre temps [à l’étranger] vous parait court. Essayez de vivre aussi pleinement que possible dans la communauté!

Des questions

Si vous croyez dans le potentiel créatif humain de toutes les personnes ayant un handicap, vous partez d’un très bon pied pour travailler à L’Arche. Participez à l’histoire! Écrivez nous à dir.rh@larche.org

 

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