« S’il fallait recommencer, nous l’embaucherions à nouveau sans hésiter ; et c’est le type d’embauche que nous rechercherons activement à l’avenir. » Samer Battah est le Directeur financier de Xlab Group, à Alexandrie, en Egypte, et l’employé dont il fait l’éloge est Michael Magdy, qui travaille chez Xlab depuis deux ans environ. Un autre collègue de Michael, George Winget Winget, Directeur comptable à Xlab, approuve avec enthousiasme : « Même si Michael ne parle pas beaucoup, sa seule présence rayonne de positivité. Auprès de lui, je ressens un sentiment de joie et de satisfaction. »
Qui est Michael, et comment exerce-t-il son propre type de leadership dans son environnement, ouvrant la voie pour d’autres personnes en situation de handicap qui recherchent la dignité d’un travail épanouissant et agréable ?

Voici l’histoire de Michael. Il est de nature discrète, membre de la communauté de L’Arche à Alexandrie. Il préfère s’exprimer par des actes plus que par des mots : « Je m’appelle Michael Magdy. J’ai 32 ans. » Sa mère, Margaret Magdy, se souvient de la première montagne que son fils a dû gravir dans sur son parcours pour trouver un emploi. Lorsque son père est décédé et que son frère a quitté la maison, il a perdu deux des personnes qu’il avait de plus chères. Michael a plongé alors dans une grande tristesse. Mme Magdy explique : « On n’était que tous les deux, Michael et moi. Il pouvait rester au lit toute la journée. Il n’en bougeait pas. » En plus, Michael était timide : « Il semblait avoir peur de parler. Il croyait que sa prononciation était incorrecte ou déformée. »
Mais elle était convaincue que son fils avait un potentiel caché. Dans un environnement favorable, elle savait que Michael pourrait s’épanouir. Ses dons se sont révélés très tôt. Fr. Nasser Kromel Basili se rappelle comment Michael l’avait impressionné quand il était encore enfant : « Je sentais bien qu’il aimait travailler et être au calme, et j’admirais cela chez Michael. »
20 ans plus tard, Michael est un jeune homme à la recherche d’un emploi. Avec beaucoup d’encouragements de la part de sa mère, il puise des forces nouvelles pour surmonter son deuil et s’engager dans le monde. Il y a eu une bonne nouvelle en 2014, sous la présidence d’Abd el-Fattah el-Sisi : le gouvernement a promulgué la loi d’Insertion qui impose à toutes les entreprises d’employer 5% de personnes en situation de handicap au sein de leur personnel. Cette décision s’inscrivait dans le cadre des obligations contractées au titre de la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes en situation de handicap, que l’Egypte a signée en 2007. Mais même s’il s’agissait d’abord d’une question de droits de l’homme, Farid Salama, Présidente du Conseil d’Administration de L’Arche Mog AlHob explique que l’objectif était « d’intégrer les personnes en situation de handicap dans la vie de la cité. » En d’autres termes, la loi prévoyait que les personnes en situation de handicap auraient un rôle à jouer dans le progrès social et économique de la société égyptienne.
Cependant, si, en théorie, cette loi a apporté de nouvelles opportunités de travail, bienvenues pour les personnes en situation de handicap, la réalité pouvait être bien différente. Lorsqu’une personne est embauchée, elle peut être confrontée à des problèmes au travail. C’est l’expérience qu’a faite Michael. Il raconte : « Quand j’étais plus jeune, j’ai travaillé dans une usine de plastiques. Nous faisions des produits en plastique pour des supermarchés. »
Michael a vite démontré sa valeur sur la ligne de production. Mais en voyant son dévouement, l’entreprise a commencé à exploiter sa gentillesse, en lui donnant deux machines à manœuvrer au lieu d’une. Mme Magdy se souvient : « Un jour, Michael est rentré à la maison, épuisé. Je lui ai dit ‘ça suffit, tu ne peux pas continuer comme ça’. » Après 9 mois dans l’entreprise, Michael a donné sa démission, au grand regret de son employeur.
C’était la bonne décision, mais c’était risqué. Sur les 12 millions de personnes en situation de handicap en Egypte, un très petit nombre ont un emploi. La stigmatisation sociale du handicap est très forte. Dans certains endroits, c’est interprété comme un châtiment divin, et la personne est vue comme portant malheur. Un rapport publié en 2010 indique que, par gêne, l’entourage cache souvent à leurs voisins les membres de la famille qui sont handicapés. Et la situation est pire pour les femmes, à tous points de vue.
Mais, dans un pays tourné vers l’avenir, la société égyptienne était également témoin d’un mouvement croissant visant à modifier la perception handicap. Dr. Elsayed Shaaban est le président du Comité sur le Handicap à la Fondation ‘2030 Development’ : « Pour les personnes en situation de handicap, trouver un emploi est crucial. Le premier impact positif touche leur confiance en soi et leur sentiment d’appartenir à la société. »
C’est donc dans cet environnement culturel en mutation que Michael est parti à la recherche d’un nouveau départ.
Heureusement, il n’a pas tardé à entrer en contact avec le café et la maison d’hôtes de L’Arche Mog AlHob à Alexandrie, où il a rapidement acquis les compétences nécessaires : « Je préparais les boissons, je servais les boissons. Je tenais les comptes. »

Ce changement a été la clé d’un nouvel état d’esprit chez Michael. « Au début, il était plutôt timide » se rappelle Aida Saleh, une employée au café. « Même quand il disait bonjour, on voyait qu’il manquait de confiance en lui. » Mais ce nouveau travail a eu rapidement un effet positif, comme le dit Christine Shawkey, éducatrice en charge de l’insertion : « Avec le temps, et les changements survenus, Michael s’est mis à parler davantage avec nous et avec les autres personnes en situation de handicap. Il a même commencé à blaguer. Il n’avait plus peur de faire des fautes en parlant. Tous ses collègues parlent de lui comme un collègue apprécié, avec des compétences et un sens de l’engagement qui font de lui un cadeau pour le secteur de l’hôtellerie : « Il aime toujours aider les gens » nous dit Youssef Aseel, un client de longue date de l’hôtel. « Alors, les jours où Michael est absent, ça fait bizarre : où est Michael ? nous sentons que quelqu’un nous manque ! » C’est clair que Michael n’a pas seulement trouvé un travail, mais un lieu d’appartenance : « Je travaille avec des gens super – le travail à L’Arche est épanouissant. »
David Fawzi, le coordinateur de la maison d’hôtes, s’est rendu compte que Michael pouvait s’épanouir encore plus s’il réussissait dans un emploi externe à L’Arche. « Nous souhaitons que les personnes en situation de handicap puissent, comme tout le monde, vivre leur vie de manière la plus autonome possible. C’est à mon avis un de nos objectifs : lorsque certaines personnes en situation de handicap à la cafétaria ont été formées et ont retrouvé confiance en elles, elles sentent qu’elles veulent travailler ailleurs et maintenant, c’est ce qu’elles font. »
Le contact a été pris avec Xlab, une agence de publicité à Alexandrie, qui souhaitait élargir leur équipe d’accueil. Anne Ashraf, la Directrice des Relations Humaines, a rencontré Michael et s’est rendu compte rapidement que ses compétences et sa personnalité feraient de lui un candidat idéal. Michael a rapidement fait ses preuves. « Au fur et à mesure que nous apprenions à le connaitre, nous avons découvert une personne très sympathique et un employé dévoué qui respecte toujours ses rendez-vous » se rappelle Samer Battah. « Sur le plan professionnel, il a une influence positive sur son lieu de travail, toujours prêt à aider les autres. »
En réfléchissant sur l’expérience de Xlab avec Michael, le co-fondateur de l’entreprise, Samer Mady, précise que la question est de « trouver le bon emploi, et non l’emploi minimum. L’emploi minimum est une erreur grave parce que lorsque vous donnez à quelqu’un un emploi minimum vous lui donnez implicitement le message suivant : ‘vous êtes handicapé, vous ne pouvez pas faire ceci ou cela’. » Michael, au contraire, continue de s’épanouir dans son rôle, et gagne en confiance : « C’est bien, j’adore mon travail. Je suis heureux. »
Alors que la société égyptienne trouve de nouveaux moyens pour faire participer les personnes en situation de handicap, la réussite de Michael est significative : les employeurs potentiels peuvent voir en lui les bénéfices qu’il y a à ouvrir les portes du travail aux personnes en situation de handicap. Michael prouve que lorsqu’on donne une chance à une personne en situation de handicap, les résultats peuvent surprendre – comme le dit Anne Ashraf « l’expérience a dépassé nos attentes. »
On trouve toutes sortes de leaders dans le monde. Michael Magdy est un leader qui, avec une détermination discrète, ouvre la voie à ses concitoyens en situation de handicap.