« C’est comme ma deuxième famille, j’adore ! », s’enthousiasme Razan, membre de Ma’an lil Hayat, la communauté de L’Arche à Bethléem. Razan est l’un des 2100 membres (environ) de la ‘famille’ mondiale de L’Arche, qui ont bouclé leurs valises au mois de mai et pris la route pour la Bretagne, au nord-ouest de la France, pour un rassemblement incluant un grand nombre de personnes, comme Razan, en situation de handicap intellectuel.
Le but du rassemblement était simple : faire la fête ! En règle générale, L’Arche n’a pas besoin de beaucoup de raisons pour ça – s’amuser ensemble a toujours été une partie importante de la vie communautaire au quotidien : anniversaires, événements marquants, et toutes les saisons de la vie sont fêtées comme il se doit, d’une façon unique, à l’image de la personne qui est célébrée.
Cette fois, il s’agissait des 60 ans de L’Arche. Si l’accent était bien mis sur ‘faire la fête ensemble’, on ne peut pas ignorer le contexte qui a fait de cette rencontre un événement particulièrement bienvenu. Après le traumatisme provoqué par les révélations sur Jean Vanier, et les restrictions dues au Covid, cette célébration était une réaffirmation de la vision essentielle qui anime L’Arche et la fait aller de l’avant. Et cette vision, comme Razan le dit clairement, repose beaucoup sur la « famille ».

Mais qu’est-ce que cela veut vraiment dire pour L’Arche aujourd’hui ? Saher, assistant dans la communauté de Razan répond : « le fait que chaque membre de L’Arche est prêt à venir en aide à un autre membre. » Il sait de quoi il parle : pour des raisons évidentes, l’année dernière a été exceptionnellement difficile pour la communauté de Bethléem. La situation politique les a poussés à fermer pour le moment leur hôtel, qui représente une source régulière de revenus provenant des touristes et des pèlerins qui visitent la ville. Et si normalement ils devaient célébrer leur 15ème anniversaire cette année, ils ont aussi pris la décision –difficile– de remettre la célébration à plus tard, lorsque la situation sera plus calme.

La célébration en Bretagne a montré la grande diversité de L’Arche. Sylvain Brabant, le Responsable international par intérim nous dit : « dans son essence, L’Arche est un espace de rencontre – ce rassemblement a réuni toute la diversité qu’apportent des religions différentes, des cultures différentes, des langues différentes, des façons de vivre différentes. »
On pourrait penser qu’avec une telle diversité, il serait plus difficile de découvrir ce qui lie les personnes pour faire de L’Arche une ‘famille’. Mais Juan Carlos, du Mexique, explique que c’est plutôt le contraire : « quand nous nous rassemblons, nous réalisons qu’à travers toutes les communautés de L’Arche dans le monde, il y a une sorte de ligne, un fil magique invisible qui nous relie les uns aux autres, en dépit des distances, en dépit de la langue, en dépit de la culture, et ce même fil nous relie au même esprit. »
Dans le même sens, Sian Walker, membre de la communauté de Manchester au Royaume Uni, fait écho aux paroles de Saher sur les familles, qui « se soutiennent les unes les autres dans les mauvais moments comme dans les bons. » Mais elle veut aussi parler d’un autre sujet qui lui tient à cœur : elle sait par elle-même comment le handicap peut être source de vulnérabilité, elle accueille le fait que « L’Arche devient plus globale – et je crois que c’est une bonne chose parce que le système [de soins] sera moins institutionnalisé. »
Les Nations Unies reconnaissent depuis longtemps la vulnérabilité supplémentaire à laquelle sont confrontés 15% de la population globale qui vivent avec une forme ou une autre de handicap. En périodes de crises nationales, que soit la guerre, la famine, les inondations ou les tremblements de terre, c’est la personne en situation de handicap qu’on a tendance à abandonner. Des études successives ont montré que ce schéma sinistre se répète dans toutes les sociétés et toutes les cultures.
Comment peut-on empêcher cela ? La réponse tient en un mot, ‘famille’. Pas nécessairement la famille au sens des liens du sang, même si c’est clairement le modèle. Mais en réalité, il s’agit de la famille au sens bien plus large, comme l’exprimaient Saher et Sian. Le fait est que, si vous êtes en situation de handicap, vos chances de survie en période de crise augmentent fortement si vous faites partie d’un groupe de soutien composé de personnes attentives qui vous couvrent en cas de besoin. En fin de compte, ce sont les copains qui font la différence. Et un tel groupe doit être établi bien avant que la crise ne survienne – en d’autres termes, un groupe à long terme, qui se trouve enrichi par votre présence et vos qualités uniques. Ce sont ces groupes de soutien que L’Arche veut créer dans le monde entier. Nous appelons cela ‘faire communauté’ et nous célébrons la contribution de chaque personne, qu’elle soit ou pas en situation de handicap, ce qui permet de faire communauté. À découvrir avec ce film…
Crédits photos: François Becker