A L’Arche au Mexique, un atelier aux multiples talents

Entre la célébration de l’indépendance, en septembre, et la fête de Noël, la ville de Mexico déborde de piñatas–des sculptures colorées faites en papier maché que l’on suspend au plafond pour les briser avec un bâton, afin qu’elles libèrent les babioles et les bonbons qu’elles contiennent. Elles font partie de toutes les fêtes, et l’automne est une période intense de fêtes au Mexique.

 

Les piñatas sont un des produits fabriqués à l’atelier de L’Arche Mexico City, situé dans une jolie rue pavée, au sud de la ville de Mexico. En semaine c’est une ruche qui déborde d’énergie créative. Neuf personnes en situation de handicap, qui vivent dans le grand foyer historique de L’Arche, conjuguent leurs talents avec ceux d’une équipe d’assistants et de 15 personnes externes travaillant également à l’atelier, pour peindre, dessiner, broder et confectionner des piñatas. Tous leurs produits sont ensuite vendus.

« Ce n’est pas compliqué à fabriquer,» dit Oliver Reyes, âgé de 30 ans, qui travaille à l’atelier et vit avec ses parents à proximité de L’Arche, à San Pedro Mártir. « Il faut simplement prendre du temps pour les réaliser.»

Avec cet atelier, L’Arche Mexico City offre la possibilité d’acquérir de nouveaux savoir-faire, et de faire communauté avec des personnes qui, trop souvent, passent entre les mailles du filet de la protection sociale concernant le handicap : ce sont des adultes, trop âgés pour les activités destinées aux enfants, mais trop jeunes pour les activités destinées aux personnes âgés.

 

Piñatas from El Arca Mexico

Préparation à base de farine et d’eau pour fabriquer la coque en papier mâché d’une piñata à l’atelier de L’Arche à Mexico

On estime à environ 1 590 583 personnes, soit à peu près 1,3% de la population, le nombre de Mexicains en situation de handicap, qu’il soit mental, ou mental et physique. Près de la moitié d’entre eux sont âgés de 15 à 60 ans. S’il existe bien des écoles et institutions proposant une formation aux personnes en situation de handicap intellectuel, elles ne s’adressent généralement qu’à des personnes de moins de 20 ans.

Cela signifie que même à l’âge adulte, de nombreuses personnes en situation de handicap intellectuel sont entièrement dépendantes de leur famille pour le soutien économique, social et médical dont elles ont besoin, un soutien quelquefois difficile à mettre en place dans des familles ouvrières. Avec les défis économiques et la discrimination sociale il n’est pas rare qu’une personne adulte en situation de handicap se retrouve isolée à la maison, avec peu de possibilités de développer ses talents et de jouer un rôle dans la société.

 

El Arca de Mexico

Fête dans la communauté pour le Jour de l’Indépendance du Mexique, le 15 septembre 2023.

« Rien, nulle part ou presque, n’existe pour ces personnes [une fois qu’elles sont adultes] » nous dit la maman d’Oliver, Elena Arroyo Reyes. « Nous avons cherché partout, sans résultat, jusqu’à ce qu’on trouve L’Arche.»

L’Arche Mexico City a toujours eu un atelier, même si, avant 2019, l’équipe était nettement plus restreinte, comprenant les membres du foyer et quelques assistants pour le travail. Mais lorsque la communauté a décidé de quitter leur toute petite propriété dans le quartier ouvrier d’Iztapalapa pour aller s’installer dans un lieu neuf et plus grand, dans le quartier voisin de Tlalpan, la question s’est posée de savoir comment L’Arche pouvait être au service de ses nouveaux voisins.

« Certes, il est difficile d’ouvrir un foyer supplémentaire, nous dit Guadalupe González, directrice de L’Arche Mexico City. Alors nous avons opté pour un atelier offrant un soutien aux familles et à nos voisins ; un atelier occupationnel et récréatif pour commencer, mais à l’avenir nous voulons en faire davantage un lieu de travail.»

Ils ont donc commencé par transformer une dépendance qui se trouve sur la propriété pour en faire un atelier et l’ouvrir à des personnes externes à partir de janvier 2019. De nouvelles personnes sont arrivées, uniquement des femmes. Lorsque le Covid-19 est arrivé dans le pays il a fallu fermer l’atelier. Mais en 2022, alors que de plus en plus de personnes étaient vaccinées au Mexique, la pandémie a reculé : l’atelier a pu rouvrir ses portes, et commencer à accueillir de nouveaux membres. Actuellement 15 personnes en situation de handicap sont accueillies en externat, la plupart issues de familles ouvrières vivant dans le quartier, et elles contribuent au développement en cours de l’atelier.

De même que dans d’autres communautés de L’Arche, l’objectif premier est ici de soutenir chaque personne dans le développement de ses talents de « faiseur de communauté ». Bien entendu, certaines personnes ont des besoins spécifiques et la prise en charge professionnelle à L’Arche se conjugue heureusement avec une structure communautaire, où les relations chaleureuses, par-delà toutes les différences, constituent le cœur de la vie.

« Il s’agit de mettre en place des activités et de développer l’habileté manuelle et l’agilité mentale, ainsi que l’intégration sociale à travers des liens d’amitié et des rencontres permettant une meilleure intégration», nous explique Juan Carlos Guzmán, coordinateur des ateliers.

 

El Arca Mexico

Broderie faite par une personne accueillie à l’atelier de L’Arche à Mexico.

Elena Arroyo Reyes a entendu parler de l’atelier alors qu’elle cherchait une solution pour Oliver. C’était une surprise car ils habitent tout près de là et elle était passée devant le bâtiment à plusieurs reprises, mais n’avait pas imaginé que le discret mur bleu puisse abriter un atelier pour des personnes en situation de handicap. Et puis un jour elle a simplement sonné à la porte et demandé s’ils travaillaient avec des personnes en situation de handicap. Après une visite à l’atelier et un entretien, ainsi qu’une invitation à la fête de Noël en 2022, Oliver a commencé à venir à l’atelier en janvier 2023.

« Chaque jour est un défi, mais ici on avance ; avec l’aide de L’Arche on se sent beaucoup plus tranquilles, » dit Elena Arroyo Reyes. « Il est heureux ici, il a des amis, et tisse des relations, il n’est plus tout seul à la maison, ce qui jusque-là était la seule solution.»

Oliver est d’accord : « J’aime peindre, et confectionner des piñatas, » nous dit-il. « Je suis heureux à L’Arche.»

 

El Arca Mexico

Oliver, durant la fête de l’indépendance du Mexique, dans la communauté de L’Arche.

L’atelier a rencontré un tel succès qu’il va bientôt atteindre le maximum de sa capacité, mais Guadalupe et Juan Carlos espèrent bien trouver l’aide nécessaire pour l’agrandir.

« J’espère qu’on pourra continuer à grandir,» dit Guadalupe. « J’espère que l’atelier n’offrira pas seulement une autonomie personnelle, mais également économique, et qu’il permettra d’ouvrir de nouvelles possibilités pour qu’en particulier nos membres en situation de handicap puissent réaliser leurs rêves. »

 

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